La «vache à lait» menacée

Déjà la cible d'un recours collectif de 700 millions de dollars par 175 000 joueurs pathologiques, Loto-Québec pourrait se faire «débrancher» ses 13 500 appareils de loterie vidéo, à moins d'y apposer des avertissements.

C'est l'objectif visé par une mise en demeure que vient d'expédier à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) le cabinet d'avocats pilotant ce recours collectif et dont le Journal de Québec a obtenu copie.

Me Jean-Paul Michaud, l'avocat qui représente le joueur compulsif Jean Brochu, autorisé par la Cour supérieure à entreprendre ce recours collectif il y a maintenant cinq ans, somme le président de la RACJ, Denis Racicot, «d'exiger de la Société des loteries vidéo du Québec (Loto-Québec) d'apposer, bien en vue sur chaque appareil de loterie vidéo (ALV), une mise en garde ou avertissement quant aux risques potentiels associés à son utilisation (...), soit de développer la maladie du jeu pathologique».

Suspendre leur utilisation

Advenant le cas où Loto-Québec refuserait, Me Michaud demande à la RACJ de «prendre les dispositions nécessaires pour suspendre l'utilisation des appareils de loterie vidéo sur tout le territoire du Québec».

«Vous ne pouvez plus ignorer (cette) nécessité», écrit l'avocat de Québec, ajoutant qu'il en va de «l'intérêt public» et de «la santé des citoyens».

Loto-Québec a engrangé des recettes de 1,3 milliard de dollars avec ses 13 500 ALV, répartis dans quelque 3100 endroits, en 2005.

D'ici le 12 avril

La mise en demeure (datée du 2 avril) donne «au plus tard» 10 jours à la RACJ pour agir à l'endroit de Loto-Québec. Si la missive devait rester lettre morte, Me Michaud a fait savoir au Journal, hier, qu'il s'adresserait alors aux tribunaux afin d'obtenir une injonction pour forcer la main de la société d'État.

L'avocat de Québec rappelle à la RACJ qu'elle a la responsabilité d'encadrer et de surveiller les activités de jeux de hasard et d'argent au Québec, ainsi que le devoir de mettre en place des mesures visant en à «minimiser les impacts sociaux» et à «protéger les personnes vulnérables».

Messages «banalisés»

La mise en demeure fait état des expertises de deux spécialistes (mandatés par les requérants pour étayer leur preuve dans le recours collectif) «établissant la dangerosité des appareils de loterie vidéo».

La plus récente de ces expertises vient d'être produite, à la mi-mars, par le docteur en sociologie Jean-Charles Chebat, professeur au HEC à Montréal. Il conclut que les messages qui apparaissent actuellement sur les écrans de ces appareils («Jouez avec modération pour que le jeu reste un jeu», le logo de la fondation Mise sur toi avec le numéro de téléphone 1 866 SOS-JEUX, ou encore «Avant qu'il ne soit trop tard...» et «Avant les idées noires...») s'avèrent tout simplement inefficaces.

M. Chebat souligne que ces messages «ne sont pas explicites en termes des dangers découlant des excès du jeu ALV». Que «l'information sur la probabilité du risque de dérapage du jeu de loisir en jeu pathologique est non seulement insuffisante, mais atténuée et banalisée». Et que le mot «avertissement» est absent, alors qu'il s'agit d'une «condition de base pour attirer l'attention», au même titre que ceux affichés sur les paquets de cigarettes pour les fumeurs.

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